M. Mélenchon appuie là où ça fait mal, et il a bien raison puisqu’il souhaite prendre le pouvoir. De même que Marine Le Pen, il dénoncait les dérives d’un « système ». Refuser d’entendre ces voix discordantes serait pure folie, mais c’est pourtant ce que font nos responsables politiques. Ils écoutent les paroles « extrêmes » d’une oreille, estimant que ceux qui les prononcent n’arriveront jamais à percer ou essayant de surfer sur leurs revendications. Grosse erreur. L’alerte a pourtant été donnée déjà en 2002 avec le passage au second tour de Jean-Marie Le Pen. Mais cette alerte aussi n’a pas été prise comme une possible atteinte à la Vème république.
Il ne faut pourtant pas nécessairement s’extrêmiser pour trouver des projets d’évolution républicaine. Ségolène Royale en 2007 avait également émis l’idée d’une nouvelle constitution apportant une participation plus grande des citoyens à la vie démocratique, ce que prône M. Mélenchon lorsqu’il évoque une VIème république. Sauf que la participation n’est pas la liberté. Un tel idéalisme rousseauiste fut à l’origine de la loi Le Chapelier de 1794 interdisant toute représentativité syndicale. Nous connaissons les conséquences historiques d’une absence de contre-pouvoirs.
Certes, les technologies ont évolué et une plus grande participation (i.e. universalité) pourrait s’envisager. Mais cela signifierait-il que chaque citoyen doive se prononcer sur tous les projets de loi parlementaires ? Bien entendu, ce ne serait pas réaliste. Pour ma part, je n’ai pas envie de m’exprimer sur chaque loi, j’estime qu’il y en a beaucoup trop déjà, et le choc de simplification annoncé par François Hollande n’enlèvera qu’une mince pellicule superficielle étant donné que les lois créent des privilèges. Revenir sur ces privilèges de manière importante ne fut jusqu’à la fin du XIXème siècle possible que par la force. Le XXème siècle quant à lui, consista en une longue construction et préservation d’un monde occidental privilégié.
Le choc, le seul existant réellement, est celui de l’Occident en lutte économique avec un monde en développement bien plus pauvre. Ce n’est un choc que parce que nous en avons été protégés jusqu’à présent. Ces temps sont révolus. Nous devons donc faire face à une baisse du niveau de vie global, qui se traduit concrètement depuis des décennies par une augmentation des inégalités internes vu que la richesse se concentre entre les mains de moins de 5% de la population. Cette situation est inacceptable bien entendu. Contre cette même situation, dans un contexte économique dégradé, sont intervenues les révolutions du XVIIIème et du XIXème siècle.
Les partis extrêmes ont bien compris cette tendance et utilisent des arguments populistes que je croyais délavés mais dont les couleurs ont pu être ravivées grâce aux lessives modernes : internet, les nouvelles technologies, créant une population abrutie vivant dans un imaginaire constant et ne souhaitant absolument pas se confronter à la moindre réalité, quelle qu’elle soit. L’abrutissement, ce n’est pas un manque d’intelligence, au contraire. On peut être très intelligent et passer complètement à côté des réalités.
La réalité, c’est donc d’avoir à faire face à une baisse du niveau de vie en occident. Favoriser la croissance est nécessaire, faire des économies aussi, mais ce n’est pas suffisant. Refuser de faire face à cela continuera graduellement à favoriser le populisme de gauche ou de droite. Une sixième république, ce serait reproduire ce qui a déjà été fait par le passé et qui a échoué. Le parlementarisme de la IVème république, son instabilité chronique, ont mené à la Vème république.
Les solutions prônées par les extrêmes ne vont pas vers davantage de liberté, mais plutôt vers un esclavage moderne démocratique, à devoir prendre parti pour tout et n’importe quoi. Le résultat en situation de baisse du niveau de vie est bien connu : une misère supplémentaire, l’arrivée d’un pouvoir fort, autoritaire, au pire totalitaire. C’est ce pire que je redoute, car il aurait à sa disposition des moyens considérables avec les nouvelles technologies.