La conférence de Varsovie s’est achevée en novembre 2013 dans une indifférence quasi-générale. A cette occasion, la Chine, leader mondial dans l’émission de gaz à effet de serre, a sévèrement tancé les pays développés à propos de leur manque de « volonté politique ». Une remontrance qui en dit long sur la stratégie de l’Empire du milieu.
Querelle sur les mots et les intentions
Les deux semaines de négociation ont pris fin plus d’un jour avant la date prévue, signe révélateur d’un sommet pour la forme ayant produit principalement de belles intentions. Plus de 190 pays se sont réunis pour préparer les « contributions » de chacun dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre à partir de 2020. Une formalisation des objectifs doit intervenir en 2015. Le terme « contributions » fut adopté en lieu et place d’ « engagements » suite à une objection de la Chine et de l’Inde qui n’hésitèrent pas à s’opposer vivement aux Etats-Unis et au reste des pays développés.
Cette question sémantique occupe une importance cruciale, attendu que la Chine reproche à certains pays développés :
de ne pas tenir leurs engagements de réductions de rejets atmosphériques
de ne pas procéder aux transferts technologiques et financiers permettant d’adresser les enjeux colossaux du changement climatique.
Le chef de la délégation américaine accusa en retour la Chine de revenir au cours des dernières heures de négociation sur l’accord, en demandant que seules les nations développées soient astreintes à une réduction des émissions. Ainsi, la Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre, arguant du fait que le pays poursuit son développement et manquant d’une aide indispensable des pays développés, peut laisser filer ses émissions.
Les préoccupations économiques éclipsent donc largement les considérations écologiques alors que les rapports scientifiques se font de plus en plus alarmistes s’agissant du réchauffement climatique. Oui, il y a de quoi tiquer. Avant de tirer des conclusions hâtives, faisons un petit détour par quelques faits et chiffres.
Quand les chiffres parlent d’eux-mêmes
Le nord-est de la Chine se nappe régulièrement d’un épais manteau gris allant jusqu’à arrêter temporairement l’activité économique. Un enfant de 8 ans fut frappé récemment par un cancer des poumons dû bien évidemment à la pollution atmosphérique. En 2012, la Chine rejeta 7 tonnes de CO2 par habitant tandis que les Etats-Unis en expulsèrent 16. L’écart de rejets par habitant entre les deux puissances a considérablement diminué depuis 2000 car les émissions de la Chine ont explosé, avec une croissance de 9% par an. Parallèlement, les pays développés ont limité et même légèrement diminué les émissions malgré la croissance de leur population. Tous les chiffres sont disponibles sur le site globalcarbonatlas.org créé à l’occasion de la conférence de Varsovie.
Sur le plan purement économique, malgré une croissance supérieure à 7,5% depuis 1991 et ayant dépassé à trois reprises les 14%, le PIB par habitant de la Chine atteint seulement 6569$ en 2013 (France : 42990$, USA : 52839$). Le géant asiatique, par la taille de son territoire, ne joue pas encore dans la même cour que l’Occident s’agissant de la richesse par tête. Mais est-ce une raison d’invoquer le statut de pays en développement afin de ne pas avoir à se fixer des objectifs environnementaux ?
Pour que le PIB par habitant de la Chine atteigne le niveau français, il faudrait le multiplier par 6,5. Bien évidemment, les rejets ne peuvent être proportionnels, sinon, ils atteindraient 45 tonnes par habitant ! Ce petit calcul légitime donc la revendication chinoise quant aux transferts de technologies. En effet, les rejets de CO2 actuels apparaissent très élevés comparativement au PIB. Si l’Occident pollue moins, elle possède nécessairement des technologies limitant les rejets.
Un sommet révélateur des tensions internationales
La stratégie de l’Empire du milieu se dévoile au travers de ce rapport de force environnemental. Elle correspond trait pour trait à celle de l’Inde invoquant les transferts technologiques s’agissant des commandes hypothétiques de rafales français. Or, l’innovation constitue la pierre angulaire de la guerre économique ! Que les secrets soient conservés pour des raisons militaires, soit. Par contre, différer les transferts de technologies au sujet de l’environnement, cela pourrait s’appeler un crime contre la planète, quand bien même les procédés en question concernent le domaine hautement stratégique de l’énergie.
L’accord issu du sommet de Varsovie manifeste ainsi la faible motivation des participants tout autant que la domination de l’économie sur les préoccupations environnementales. Le refus de l’Occident de procéder à davantage de transferts technologiques reflète quant à lui l’incapacité à diffuser le pouvoir et donc la richesse, pilier de la stabilité sociale quand on promet la croissance pour certains, ou son retour pour d’autres.