Les médias nous ont gratifiés d’un compte-rendu en bonne et due forme suite à cette réunion des vieux pays développés sur le déclin qui font encore illusion de domination alors qu’ils arrivent de plus en plus difficilement à juguler leurs dettes. Les avancées de cette réunion au sommet d’une pinte de brune sont aussi significatives économiquement que la progression d’un ivrogne tombé de son tabouret de bar et tentant péniblement de s’y rasseoir.
Sans croissance, colmatons les fuites
Les dirigeants des huit pays principaux de la planète se sont exprimés d’une même voix en faveur de la croissance : « Nous sommes convenus d’encourager la reprise mondiale en soutenant la demande, en consolidant nos finances publiques et en ayant recours à toutes les sources de croissance ». Traduction: nous sommes grave dans la merde, on ne sait pas comment relancer l’économie, alors on fait l’autruche en disant que tout va bien, on endette les ménages car on ne peut plus endetter les états et quand tout le monde sera surendetté, alors on dira qu’on a rien vu venir et que c’est la faute à l’autre (terroriste, Chine, Iran… au choix).
En-dehors de mesures commerciales visant à favoriser le libre-échange, rien de concret quant à la croissance perdue. La concurrence des pays à bas salaire va-t-elle favoriser l’Occident ? Non, le libre-échange s’entend entre pays riches ne pouvant pas se concurrencer de manière déloyale par le biais de salaires plus faibles. A y regarder de plus près, les pays occidentaux utilisent les recettes d’hier en espérant qu’elles produiront les mêmes effets. Ils ont cependant oublié un élément majeur : les autres pays ne sont plus sous-développés, leurs salaires ont déjà considérablement augmenté, en particulier en Chine même si le rapport demeure de 1 à 10.
L’augmentation des échanges entre pays riches, et donc la croissance, s’envisage lorsqu’elle financée par une contrepartie : l’approvisionnement à moindre prix pour toute une gamme de produits, que ce soit les matières premières, le textile, l’ameublement ou les nouvelles technologies dernièrement. Cette contrepartie a déjà été utilisée par le passé, il ne demeure que quelques pays, principalement en Afrique, ayant encore des salaires suffisamment faibles pour provoquer cet effet de levier. Mais ce sont les pays émergents qui sont en capacité d’actionner cette pompe financière.
Les pays développés sont acculés, leurs déclarations m’apparaissent comme celles de rois s’accrochant éperdument à leur trône, préférant se voiler la face en disant que les indicateurs économiques sont en meilleure voie, alors qu’aucun fondamental de l’économie ne s’est redressé.
Ainsi, les banques centrales ont toujours pour mandat d’arroser tranquillement les marchés sans se soucier des multiples bulles causées par cet afflux de liquidités : « La politique monétaire devrait continuer à soutenir la reprise économique et orientée vers la stabilité des prix, selon le mandat respectif des banques centrales »
Mais la preuve incontestable de l’impuissance commune des pays les plus influents de la planète concerne l’avancée majeure du G8 : la lutte contre la fraude fiscale. Je trouve remarquable une telle entente, aveu indirect de l’incapacité à générer une croissance qui permettrait de résorber les dettes et créer des emplois. Lorsqu’on ne sait plus créer des rentrées fiscales par la croissance, la mesure pompier n°1 consiste à colmater les fuites.
La Russie intransigeante ?
Si les discours politiques arrivent encore à faire croire à des lendemains économiques chantant en occident, il est beaucoup plus difficile de cacher les divergences géopolitiques s’agissant de la Syrie et de la question plus générale de l’armement.
Le G8 se décompose donc de manière très simple entre la Russie et les 7 autres pays. Encore un signe illustrant la reprise de la guerre froide que l’on pourrait plutôt qualifier à l’heure actuelle de tiède. J’avais prévenu il y a peu que les informations officielles des pays démocratiques, dont la France, véhiculent une propagande visant à simplement déboulonner Bachar Al-Assad.
Il y a pourtant une divergence au sein des 7 pays autres que la Russie. La France puis l’Angleterre, en ayant récolté des preuves (plus ou moins vraies, mais à la rigueur ce n’est qu’un prétexte) ont tenté de pousser les Etats-Unis à agir contre Bachar Al-Assad, à franchir le pas d’armer directement les rebelles ou de s’engager avec ses propres forces.
Vous vous doutez bien que les Etats-Unis, s’ils n’ont pas suivi, n’étaient pas de mèche avec les européens. En effet, le gaz de schiste, même s’il ne révolutionne pas l’économie, permet aux Etats-Unis de ne plus devoir intervenir à tort à et à travers dans le monde, en particulier au Moyen-Orient. Ce qui n’est pas le cas de la France et de l’Angleterre, dépendants en hydrocarbures.
Mais il y a aussi que la Russie constitue un adversaire autrement plus sérieux qu’une armée irakienne sur le déclin. Ainsi, les Etats-Unis n’ont plus les moyens de soutenir ses alliés historiques que sont l’Europe et Israël. Derrière les gesticulations médiatiques voulant encore faire croire que Vladimir Poutine est un tyran soutenant Bachar Al-Assad un autre tyran, se cache une réalité différente : le déclin de l’Occident. Un déclin lent mais certain, tel celui de Rome.
Contrairement à l’image fugace d’un groupe de dirigeants réunis en Irlande et excluant Poutine, la balance du pouvoir ne penche plus en faveur des pays développés. Le rapport de forces se lit plutôt dans les oppositions aux résolutions de l’ONU, dans les changements radicaux de position envers le régime iranien suite à l’élection présidentielle : la France aux abois refuse un jour l’Iran à la table des négociations syriennes, envisage le lendemain de reprendre les échanges économiques avec le pays qui n’a pas dévié de sa position sur le nucléaire.
A la lumière de ces considérations, l’intransigeance de la Russie me paraît une question de point de vue. Les pays occidentaux sont tout autant intransigeants, agissant dans leur intérêt propre. Les perdants dans cette affaire, ce sont les syriens qui ne combattent pas pour une idéologie quelconque, pris au cœur d’une guerre civile s’éternisant à cause de la mondialisation du conflit, pour une raison qui n’en finit pas de tuer : le pétrole.