François Hollande recevait autrefois Angela Merkel à Paris pour évoquer trois thèmes prioritaires : la fiscalité, l’énergie et la défense. Les deux premiers items ont donné lieu à des discours remplis de bonnes intentions mais sans avancée particulière. Heureusement pour le couple franco-allemand, l’Afrique et l’Ukraine ont permis d’afficher une toute nouvelle entente cordiale sur fond de guerre froide.
On ne peut pas dire que l’amitié franco-allemande se soit épanouie depuis l’élection de François Hollande. Il aura fallu attendre un revirement économique complet de ce dernier pour qu’Angela retrouve le sourire. Mais le pacte de responsabilité ne constitue pas encore un motif suffisant pour rapprocher la fiscalité des deux pays. Tout au plus, les deux dirigeants peuvent-ils converger à propos de la taxe sur les transactions financières qui apparaît malgré tout encore comme un serpent de mer.
Arrêtons-nous quelques instants sur cette taxe du genre « Tobin ». La question des prélèvements soulève les plus vives émotions vu qu’ils atteignent des sommets non imaginés en France. Pourtant, cette ponction est perçue positivement car elle s’en prend au méchant monde de la finance. Si tant est qu’elle soit autre chose qu’un effet d’annonce démagogique, on trouve dommage qu’on ne cesse de rajouter des mécanismes de redistribution. La redistribution, si elle nécessaire dans une perspective d’ « assurance » contre des risques devient perverse lorsqu’elle a pour but de corriger les inégalités.
En effet, elle entretient dans un état de dépendance ceux qui profitent de ses retombées. Cette dépendance permet d’éviter tout phénomène de révolte ou de prise de distance vis-à-vis du pouvoir. En prélevant un infime pourcentage des richesses et en le redistribuant, l’Etat fait œuvre de magnanimité en apparence, alors qu’en fait, il consolide la répartition inégale des richesses en stoppant les revendications. L’homme préfère recevoir son pain quotidien de manière sûre plutôt que de s’exposer non seulement au risque d’une pénurie, mais surtout à celui de penser et agir par lui-même.
Second thème prioritaire, l’énergie n’a pas prêté à de sérieuses discussions puisqu’il s’agissait simplement de s’aligner sur les objectifs « climat » de l’UE à horizon 2030. Autant dire qu’il y a de quoi voir venir. Les difficultés économiques n’engagent de toute façon pas à faire du zèle environnemental, d’autant que la question du gaz de schiste continue d’être déterrée régulièrement par Montebourg ou Fabius récemment.
Le ministre des affaires étrangères me permet de faire la transition vers la défense. Cette fois, les deux pays étalent leur accord parfait sur le plan géopolitique, que ce soit à propos de l’Afrique ou surtout de l’Ukraine. Après le « Fuck the EU » prononcée par la secrétaire d’Etat adjointe américaine pour l’Europe, Victoria Nuland, après les déclarations d’Angela Merkel souhaitant un internet européen afin de se protéger des intrusions étrangères, j’ai trouvé contradictoire cette déclaration commune condamnant unanimement la répression du gouvernement ukrainien. Elle révèle à mon avis la position réelle de l’Europe qui n’est pas sous le joug de l’Allemagne contrairement aux apparences, mais sous celui des Etats-Unis qui sont sur le point, avec le traité transatlantique, de mettre à terre une UE déjà à genoux .
Tel un Bachar El-Assad européen, le bouc-émissaire ukrainien rapproche le couple fondateur de l’Europe. Cependant, ce semblant d’autorité qui a sauvé pour l’instant François Hollande de la débâcle politique n’est-il pas le masque d’une allégeance synonyme de soumission aux Etats-Unis ? Dans la continuité de la Syrie, l’Ukraine constitue le nouveau champ de bataille d’une guerre froide belle et bien ravivée.